Je ne sais pourquoi ce matin me fait penser à mon grand-père paternel, mon Parrain. Il était colombophile. Je le revois, dans son potager, le nez en l’air, en cache-poussière gris, une casquette tout aussi grise sur la tête. Il est occupé à attendre ses chers pigeons en sifflant un appel régulier. Ses mains dans les poches, il triture quelques grains de maïs soustrait à la nourriture des volatiles.
La veille, je l’avais accompagné au café Le Lion d’Or, sur la place Communale. Je me souviens qu’il y avait là tout un monde de messieurs qui lui ressemblaient. Ils avaient tous un chapeau et des moustaches grises, ils fumaient des cigares et transportaient des paniers en osier où roucoulaient leurs champions. On m’avait expliqué que ces pigeons allaient voyager toute la nuit en camion et qu’au matin, on ouvrirait les portes pour qu’ils puissent revenir… tout seuls! Ces animaux me semblaient magnifiques.
J’avais cinq ans. C’était un autre monde.
Aujourd’hui, les pigeons sont considérés comme des nuisibles. Souvent il est interdit de les nourrir. Mais peut-être que parmi ceux qui ce matin picorent devant la boulangerie de Linkebeek se trouvent des descendants des glorieux long-courriers de mon Parrain.
Pour l’heure, c’est moi le pigeon voyageur et mon convoyeur n’attend pas, elle s’appelle Nanou. Par les autoroutes nous refaisons en 75 minutes le trajet réalisé lors de mes trois jours d’entraînement.
Au revoir, sois prudente !
Me voilà lâché dans la nature. Cinq semaines sans clefs, sans montre et sans rien d’autre que ce que j’ai mis dans mon sac-à-dos. La météo est magnifique.
Il est beau, hein, le château de Boussu-en-Fagne.
J’entre dans l’agglomération de Couvin par le Faubourg Saint Germain.
Après avoir traversé l’Eau Noire, je retrouve le balisage de mon association, les Amis de Saint Jacques, qui suit ici le GR12.
Heureusement, celui-ci me permet d’éviter la Nationale 5 et je profite d’un joli sentier.
Après quelques kilomètres les balisages divergent. Je continue avec la coquille, son itinéraire est en général plus direct.
Les genêts sortent tout leur jaune.
Je passe en France. Le tracé des Amis de Saint Jacques se termine, ici commence la Via Campaniensis, la voie de la Champagne.
Au premier village français, le Gué–d’Horsus, je suis abordé par Henri. Ouvrier agricole récemment retraité, Il s’ennuie un peu. Inévitablement la conversation aboutit sur ma destination finale. « À Rome ? À pied? Mais t’as pas un vélo ? Ça irait plus vite ! « . Il est même prêt à me prêter le sien. Je n’en devrai pas oublier de « transmettre son bonjour aux italiennes ! »
Les huit derniers kilomètres se feront sur le goudron et avec un soleil au zénith.
Je suis content d’arriver à Rocroy. C’est une petite cité fortifiée en étoile. Eh, non, ce n’est pas Vauban qui l’a dessinée puisque c’est plus d’un siècle plus tôt qu’elle a été conçue, en 1555, par Henry II. Son urbanisme devait être révolutionnaire. Bon, Vauban l’a un peu remaniée quand il en a eu l’occasion.
En 1643, l’armée de France conduite par le Duc d’Enghien, écrase ici l’armée espagnole, sauvant le trône du tout jeune Louis XIV.
Si le premier abord est un peu austère, puisque militaire, son petit centre est agréable.
Comme elle a conservé son statut de place forte jusqu’en 1889, les dénominations des lieux en restent influencés. Ainsi les rues de la Poudrière , de l’Arsenal, du Bastion du Roi… la place centrale s’appelle la Place d’Armes. Certaines infrastructures son bien conservées et visitables, Ici le bastion du Roi.
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